Souvenirs du présent en colonies
Souvenirs du présent, c’est l’histoire d’un voyage, d’un déclic, d’une fulgurance.
(Je vous en parle ici.)
Souvenirs du présent, en suite, c’est l’histoire d’une première résidence à l’été 2021. Une résidence en colonies de vacances, pendant deux semaines, avec une cinquantaine d’enfants. Des ateliers photo donnés aux enfants et un reportage sur ces instants de rencontre, de joie, d’amusement lors d’un été entre masque et pass, un été dont on souviendra comme « en crise » mais qui était autre chose que cela (lire là note d’intention à la fin de cet article).
Les vacances, les colonies et les centres aérés, je dois vous l’avouer, je n’en garde pas un superbe souvenir. Malgré le fait que je sois aujourd’hui adulte et responsable (espérons-le), la petite Gaëlle en moi partait vers St-Etienne-de-Tinée le coeur et la gorge noués de retrouver des souvenirs compliqués. Mais, vous savez, je crois que rien n’arrive vraiment par hasard sur notre chemin et cette opportunité-là n’était pas là pour rien.
Revivre des souvenirs d’enfance avec un oeil d’adulte permet de prendre du recul et de la hauteur sur des événements qui nous ont autrefois bloqué. C’est les comprendre, les mettre à jour, pour s’en libérer et avancer. Y revenir adulte mais aussi photographe, c’était regarder le passé avec un oeil apaisé et le sublimer. Trouver la beauté, l’émotion, la sensibilité dans ce qui n’était pour moi que des souvenirs douloureux. Au delà d’un projet photographique, au delà d’instants magiques, c’était une manière de grandir et de guérir.
L’art et la créativité ont cette vertu exceptionnelle de rendre beau ce qui était difficile et, de fait, de lui donner un sens. Que ce soit par la photographie, par le dessin ou l’écriture, créer est mon antidote. Mon antidote à tout.
Pour vous aider à mieux saisir ma démarche, je me dois de vous partager l’inspiration principale de ce projet. Je me suis plongée dans la période humaniste de la photographie, notamment celle de l’après-guerre. Cet avènement des instants de la vie quotidienne après des années d’horreur.
J’ai voulu transmettre cette émotion du retour à la vie, à travers les visages d’enfants et de jeunes, alors que nous étions au milieu de cette période compliquée et angoissante de la crise sanitaire. Capturer les instants de vie quotidienne qu’on ne voit pas dans les médias d’actualité. Car le présent ce n’est pas seulement les grands titres et la télé, c’est le quotidien qui se répète chaque matin.
J’ai donc choisi le noir & blanc pour semer le doute : était-ce aujourd’hui ? Ne serait-ce pas plutôt le souvenir d’une autre décennie ? Des détails nous replacent à la bonne heure, vous le verrez si vous êtes attentifs : une marque sur un t-shirt, un objet technologique et, surtout, des masques près des visages, symboles chronologiques d’une nouvelle période de l’histoire.
Voici alors quelques photographies réalisées lors de cet été 2021 en colonies de vacances. Certaines d’entre elles ont été exposées dans des centres de loisir, d’accueil et de culture par le Collectif ESA. La résidence s’inscrit dans le cadre du dispositif Rouvrir le Monde de la DRAC Paca et est accompagné par Réaliz.
Note d’intention
Souvenirs du présent, c’est une déclaration à un aujourd’hui qu’on oublie. C’est mon zoom, mon focus, sur tous ces instants – doux, tendres, tristes ou joyeux – qui font notre quotidien mais que nous ne voyons plus car nous cadrons sur autre chose : la nostalgie du passé, l’actualité du présent ou l’anxiété du futur.
Car le quotidien est un présent discret qui se cache sous celui – plus grand – de l’actualité, des médias, d’une génération ou d’une décennie.
C’est ce quotidien, si nous lui accordons plus d’attention, qui peut nous porter, nous ravir, nous faire tenir et traverser cette grande période de l’histoire que nous vivons.
Ce projet a l’espoir et l’ambition de voyager, de vagabonder à la rencontre d’autres présents, de faire des ponts entre les quotidiens d’autres gens, d’autres villes, pays et cultures afin de témoigner des petits instants du monde entier.
Il commence à Saint-Etienne-de-Tinée, un été 2021 en colonie de vacances. Alors que nous avons accumulé plusieurs confinements et couvre-feux, la vie reprend son cours, petit à petit. Après des mois d’isolement, les enfants se retrouvent. La joie revient, les échanges, les partages, les émotions aussi.
C’est celles-ci que j’ai eu la chance d’apercevoir, de sentir et de capturer pendant deux semaines. Malgré des mesures, malgré des masques, malgré le fait que les choses ne soient pas totalement comme avant. La joie est là. La vie aussi, toujours. Malgré tout.
C’est celle-ci que j’ai voulu célébrer. La vie de ces personnes, ces jeunes, ces enfants qui se retrouvent. La vie d’une parenthèse de bonheur. La vie d’un quotidien, les instants d’un présent qu’on retiendra sûrement comme celui de « la crise sanitaire », et pourtant. C’était ça, aussi. La vie malgré la crise.
Ces photographies sont un hommage à la période humaniste de la photographie. Ces images de joie et d’innocence – d’enfants le plus souvent, d’amoureux aussi – après des années de souffrance et d’horreur. La vie qui reprend. La vie simple, la vie douce.